Le plus grand défi de la profession du chiffre

Les professionnels du chiffre sont confrontés à de grands défis dans leur secteur. Mais quel est le plus grand défi ? La digitalisation joue-t-elle un rôle crucial dans l’exercice de la profession comptable ? La profession de comptable peut-elle encore être sauvée et rendue attirante pour les jeunes ?

DIGITALISATION

1.      La prise de conscience de la digitalisation

La prise de conscience de la digitalisation, ainsi que son application, est une étape importante. Si la conscience n’est pas là, l’application ne peut pas démarrer. Il est très important de voir le côté positif de la digitalisation. De nombreux petits bureaux ne sont pas convaincus à 100%. Il existe actuellement une différence significative entre les petits et les grands bureaux en termes de digitalisation. De très grandes étapes doivent encore être franchies. L’ITAA (Institute for Tax Advisors and Accountants) a un rôle important à jouer à cet égard. Il ne faut pas oublier qu’il y a beaucoup de petites entreprises dans notre secteur, avec en plus des comptables d’un certain âge. Il n’est plus du tout exceptionnel que des personnes de plus de 65 ans (voir des personnes plus de 70 ans) soient encore actives dans le secteur.

 

Dans le cadre de la prise en conscience, la question est de savoir si tout le monde regarde dans la même direction. Sommes-nous tous sur la même ligne ? La digitalisation des dossiers papier ne se limite pas à scanner des documents papier. Il existe des moyens beaucoup plus efficaces, notamment la transmission de documents électroniques au comptable par, p. ex. un portail client. Le gouvernement tente de promouvoir ce mode de transmission des documents, par exemple en payant plus rapidement ces clients. Ce n’est pas si simple dans notre secteur. Quel comptable veut donner de l’argent à son client pour qu’il lui remette les documents sous forme digitale ?

 

La digitalisation ne se limite pas à rendre les documents disponibles sous forme digitale. Il faut également avoir la volonté de mettre en œuvre cette technologie (moderne). Une volonté plus faible assure que les inconvénients l’emportent sur les avantages. Afin d’agrandir la volonté de digitalisation, des grands changements comportementaux seront nécessaires . L’ITAA punit parfois, mais il faut bien plus que cela. Le professionnel du chiffre ne devra pas seulement adapter son propre comportement, mais il devra aussi convaincre ses clients. Inévitablement, cela est lié à l’adoption de mesures positives en faveur de la  digitalisation.

 

2.      Digitalisation et logiciels

La digitalisation est associée aux logiciels, des logiciels performants, tant au niveau local du comptable que dans les applications logicielles fournies par le gouvernement telles que Taks-on-Web, MyMinFin, Intervat, etc.

Le gouvernement a développé tout un arsenal de logiciels, mais à ce jour, nous pouvons dire que ces logiciels ne sont pas performants et stables.

En tant qu’association professionnelle, nous pouvons dire avec la main sur le cœur, qu’ils obtiennent de mauvais résultats. Le logiciel fonctionne lentement et il faut des heures pour se connecter. Le professionnel du chiffre pourrait mieux passer son temps autrement au lieu de faire des innombrables tentatives pour se connecter. Les grands fournisseurs de logiciels osent dire qu’il faut un certain temps pour (re)programmer quelque chose. En ce qui concerne les délais d’attente, ils osent également attendre 3-4 jours avant de vous aider d’avantage. En particulier aux heures de pointe, en plein milieu d’une période d’échéance, nous trouvons cela inacceptable. Ici aussi, l’institut ITAA pourrait jouer un rôle important pour satisfaire le professionnel du chiffre.

 

La transmission digitale des documents peut se faire à l’aide d’un logiciel fourni par le client, mais il peut également s’agir d’une application que les bureaux comptables mettent à la disposition de leurs clients. Car il y aura constaté une réduction des coûts. Lorsqu’un client se plaint que la facture est trop élevée, nous pouvons lui recommander de remettre tous les documents sous forme digitale au comptable. Si le bureau doit consacrer moins de temps à scanner et au tri des document, la facture peut en effet baisser. Il y a des gens qui n’ont une imprimante que pour leur comptable, parce qu’il veut tout recevoir sur papier. Mais l’inverse est également possible. Certains clients sont plus avancés dans la digitalisation que leur comptable. Bien sûr, tous les clients ne sont pas les mêmes. La volonté d’adopter et de mettre en œuvre l’informatique est très étroitement liée au ‘’type’’ de client. Un client âgé aime porter ses documents au bureau du comptable. Là, les documents sont scannés et le client peut à nouveau les emporter chez lui.

La digitalisation ne permet de réduire les coûts que si le client coopère également. Cependant, sur le lieu de travail, nous constatons que pas tous les clients ont la même aptitude à la digitalisation, ce qui fait que les factures d’achat et les factures de vente sont livrées ensemble et mélangées. Cela ne peut évidemment pas être l’intention.

Il est donc important qu’il y ait une bonne relation avec le client. En consultant régulièrement votre client, vous pouvez ajuster ou conseiller si nécessaire. Le client adhérera donc plus facilement au projet de digitalisation. Dans un monde des affaires en constante évolution, les clients attendent de leur comptable qu’il soit réactif, qu’il aide et les conseille en leur fournissant des informations en temps réel.

 

3.      Comptabilité Robotique

La comptabilité robotique commence également à s’implanter pleinement. Les entreprises scannent leurs propres factures et les justificatifs de dépenses sont lus automatiquement.  L’apprentissage automatique y joue également un rôle majeur en ce qui concerne le ROC (reconnaissance optique de caractères). Les données figurant sur les factures sont reconnues automatiquement, ce qui permet un traitement plus rapide des données. La communication avec les clients se fait de plus en plus digitale par des outils tels qu’Adsolut et Yuki, Zoom ou Teams… même si les PME continuent de privilégier le contact personnel.

 

Quels sont les avantages pour le comptable ?

Les défis auxquels le comptable est confronté sont très grands, mais il existe également de nombreuses opportunités, qu’il ne faut pas minimiser.

Comme le comptable est moins occupé par des tâches de base telles que la saisie de données, il a plus de place pour le suivi des résultats de l’entreprise, l’établissement de rapports financiers et les conseils proactifs. De cette façon, le client obtient un aperçu plus rapide – quasi en temps réel – de ses chiffres et peut prendre des décisions commerciales bien fondées. Le comptable devient ainsi la caisse de résonance et le confident du client. L’automatisation de divers processus et leur digitalisation offrent également au comptable la possibilité d’acquérir une connaissance approfondie de certains secteurs.

4.      Digitalisation intelligente

La digitalisation peut être étendue aussi loin que la technologie le permet. Je veux dire par là qu’il n’y a aucune limite à la digitalisation. Mais sera-t-elle toujours aussi efficace que possible ? Prenons l’exemple de l’Italie, où le comptable est tout simplement ignoré parce que le gouvernement a introduit un système de digitalisation de grande envergure. En Italie, les entrepreneurs doivent télécharger leurs factures sur une plateforme gouvernementale. Le calcul de la TVA y est effectué de manière entièrement automatique. Mais le gouvernement ne dispose pas de toutes les informations sur les règles de déduction de la TVA pour toutes les entreprises et les indépendants. En conséquence, 30 à 40% des déclarations de TVA sont mal calculées. Il faut beaucoup de temps (et d’argent) pour corriger ces erreurs, sans parler des revenus que le gouvernement perd. La digitalisation au gouvernement: Volontiers! Mais de manière intelligente et raisonnable.

 

RESSERREMENT DU MARCHÉ DU TRAVAIL

Ce n’est plus un secret depuis longtemps, mais les professions du chiffre sont devenues une profession en pénurie. Si les responsabilités continuent de croître, cela n’entrainera certainement pas une augmentation du personnel. Les professionnels du chiffre sont chargés de tâches supplémentaires, par exemple le registre UBO. Ici, la responsabilité finale est transférée au professionnel de la comptabilité. Dans le dossier de la lutte contre le blanchissement d’argent, le professionnel du chiffre est devenu le personnage clé.

Le gouvernement devrait rendre la profession plus attrayante en proposant des "délais réalisables" et une diminution des responsabilités finales. C'est le seul moyen de sauver la profession de comptable d'une mort certaine.

En outre, les agences d’intérim et les agences de sélection devraient être soumises à des règles plus strictes. En ce moment, elles essaient constamment de "racheter" des personnes d'un bureau afin de les placer dans un autre bureau offrant de meilleures conditions et des profits plus élevés.

 

QU’EST-CE QUE LE PROFESSIONNEL DU CHIFFRE ATTEND DU GOUVERNEMENT ?

§  En premier lieu, le professionnel du chiffre veut des solutions logiques, même pour des questions ou des problèmes difficiles.

§  Le professionnel du chiffre veut être entendu. En tous cas, l’institut est le premier à être une oreille attentive pour tous les professionnels du chiffre. C’est une bonne chose, mais l’ITAA peut-elle toujours et partout savoir ce qui se passe sur le terrain ? Une institution doit guider et représenter ses membres, même les protéger. L’institut est parfois critiqué pour avoir perdu le contact avec le bureau de comptable.

  • De nombreuses associations professionnelles sont reconnues par le Conseil supérieur des indépendants et des PME. Une association professionnelle reconnue comme le KVABB – CRECCB, n’est pas entendue par l’institut, alors qu’elle est autorisée à siéger au Conseil supérieur.

  • Les associations professionnelles sont là pour aider et représenter leurs membres. Mais comment pouvons-nous faire au mieux, alors que le ministre des finances ne veut communiquer qu’avec l’ITAA ? Est-ce encore démocratique ?

§  Les fonctionnaires du ministère des finances ne devraient pas déterminer leurs propres règles. Nous attendons le règlement et/ou son amendement du gouvernement ou du ministre.

§  Les professions du chiffre souhaitent une coopération positive avec le gouvernement. Les conditions de travail dans un bureau devraient être beaucoup plus compréhensibles. Nous faisons référence à la pandémie de corona et à la coopération difficile pour repousser un peu la date d’échéance, afin de donner un peu plus de répit aux professionnels du chiffre. Les nez du gouvernement et des ministres ne sont pas toujours pointés dans la même direction, et il est difficile de travailler comme cela. Ne faut-il pas se méfier à tout moment du populisme pour regagner la confiance des citoyens ?

 

En résumé, le professionnel du chiffre doit relever de nombreux défis, certains plus passionnants que d’autres. Qu’il s’agisse de la digitalisation (de grande envergure) ou de la recherche de personnel dans cette pénurie, le professionnel de la comptabilité devra faire preuve de créativité pour relever certains défis. Dans tous ses défis, il veut être entendu, et il veut coopérer de manière créative et constructive avec les administrations.

Ludo Van den Bossche

Président KVABB - CRECCB